Je vais vous parler d’une chose immonde, obscène et grassement incongrue. C’est une espèce repoussante, qui n’est pas à sa place et qui mérite tous les crachats verbaux concevables. Cette sale espèce ne fornique presque plus et pourtant elle pullule. Elle pullule insolemment, sans que l’étudiant moyen en bonne santé ne puisse y faire quelque chose. Aucun remède ici, si ce n’est attendre avec la douce pensée que cette race vaine s’éteindra bientôt sans faire trop de boucan. A notre grand dam, progrès de la science et des soins hospitaliers aidant, l’espèce en question ne fera qu’augmenter en nombre.
Venons-en au fait. L’espèce me révolte, je suis poings, mâchoires et sphincters contractés à ses moindres grognements. A la limite, les mouches m’agacent moins. Il y a débat. Mais une mouche, il est toujours possible de l’aplatir froidement contre la vitre ou contre un beau mur blanc, et de prouver ainsi la supériorité somptueuse de l’homme sur la bête. Pour l’espèce dont je vous parle, il faut procéder différemment.
On ne peut pas reprocher au cochon de grogner et d’aspirer en longues succions gargouilleuses et glaireuses le lait coulant des tétines de maman truie. C’est dans la nature du cochon que d’agir ainsi. Ainsi qu’on ne saurait reprocher au bébé les gargouillis de la tété et le grattement sonore de ses petits rots.
On peut en revanche discuter du caractère plaisant des quintes de toux et autres moucheries visqueuses de nos vieilles gargouilles cultivées venues poser leur fondement sur les sièges en velours rouge de la Comédie française. Une pièce à texte en plus ! Pour une fois que je me suis résolu à la confrontation avec le monde extérieur des gens plein de culture ! Je ne savais pas que beaucoup parmi eux étaient incontinents. Oh ! Les gars ! Fermez-la ! Cons, tenez-vous !
Petites interférences à la voix chaude et puissante d’une Clotilde de Bayser ; pollution auditive et petits pets buccaux sur du Chopin… Si votre gosier irrité joue sur votre aptitude au silence en public, restez sur Arte en privé. On va parfois jusqu’à discuter pendant la représentation. Oh boy !
Parfois, je rêve que je m’introduis sans bruit dans leur petite gorge irritée et que je lustre tout ça en y frottant amoureusement un peu de wasabi. Je rince le tout avec un bon litre d’huile bouillante et le tour est joué. Toutefois, ce serait inconvenant dans un endroit pareil. Cela n’empêche, mon rythme cardiaque s’accélère, j’ai les mains moites, je vais faire quelque chose. Il faut que je fasse quelque chose. Me lever un peu, en regarder un au hasard pendant qu’il tousse – pris en flag ! – lui faire un signe, peut-être même lancer un discret et bienveillant « Ta gueule putain ! », et me rasseoir tout satisfait. Que nenni. Je reste en place. La peur prend le pas sur l’agacement, la raison me rappelle la chétivité de mon petit corps, le ridicule de ma puissance, et ces pensées me maintiennent immobile, silencieux et docile. De plus, l’idée que l’un d’entre eux puisse se lever et venir causer un peu avec moi en réponse à mes jérémiades ne me fait pas vraiment pouffer de rire.
M’en fous, j’applaudirai pas.
Titou.