Bang-bang ! A peine installé dans ma résidence Dublinoise, de sourds coups cadencés résonnent à la porte. Le mec vient réparer une lampe. Toujours ensommeillé, je tente vainement de déchiffrer ce fort accent irlandais. Après avoir changé une ampoule, il se retourne : -Whereryoufrm ? -France. Ma chambre s’illumine et son visage aussi. – Ahhh, le main, Thierry Henry !
Oh. Je pensais cette histoire profondément enterrée. Premier contact irlandais après tout : je souris. Le gonze est aux anges, il en tient un. Ce salaud y est forcément pour quelque chose. Je perçois la légère blessure, mais l’humour est là, intact.
Au football, la main est bannie, refoulée, montrée du doigt. Rien de plus contre-nature pourtant. Le gosse de trois ou quatre ans se baisse pour prendre le ballon à la main. Alors, il faut lui expliquer que non.
Rien de limpide non plus dans l’histoire du jeu : rugby et foot sont maqués depuis l’enfance la plus tendre. A l’époque victorienne, le « rugby football » est à l’honneur, jusqu’à ce que Charles Wreford-Brown – étudiant à Oxford – refuse le rugueux rugger pour lui préférer le soccer, devenu l’emblème du sport de princesses. Et de truands.
Chez le truand, la main est talisman.
Après avoir découpé la jambe de l’opposant et s’être rué vers l’arbitre, la main devient un délicieux instrument de persuasion. Italiens et Sud Américains en abusent parfois. D’abord, lever les bras au ciel, puis s’adresser au juge. Qu’importe le langage, pourvu qu’on ait le geste : pouce opposé aux quatre doigts, mouvement de va-et-vient du bras. De Pippo le pipeur à Marco le marmot, la mimique reste intacte.
La main est aussi l’arme du vice. Elle seconde celui qui pousse, qui tire ou qui concasse discrètement les roubignoles de l’ennemi. Ou, pire encore, celui qui use de sa paluche pour scorer. Celui-ci joue à quitte ou double.
Un soir d’été 86, l’autoproclamée Mano de Dios permet à Diego Armando de changer de statue : du bronze à l’or. De génie à Dieu. On fête chaque année en Argentine la naissance du prodige dans les églises maradoniennes. Le Pater Noster est éloquent.
Notre Diego
Qui est sur les terrains
Que ton pied gauche soit béni
Que ta magie ouvre nos yeux
Pardonne aux Anglais
Diego
Les Anglais, eux, ne pardonnent pas. Refoulée des terrains, la main est à l’origine d’un culte, partagé par une petite centaine de milliers d’adeptes.
Mais le truqueur s’expose à l’opprobre. Ce matin pas de parade, les Irlandais m’en veulent encore. Ils se souviennent d’une infime main qui les priva d’une immense fête. Alors, platement je m’excuse, et on se serre la main, souhaitant de se revoir… A la prochaine.
Le Papouchet