Perdue dans la ville, je marche je marche pour oublier ma solitude. Le bruit de mes pas me rassure déjà, le goudron chaud me rappelle que je ne suis pas seule. Une ombre derrière moi. Nous sommes deux, je sens son odeur suave. Mais cet instant ne dure pas, nous sommes déjà trois. Sur la place, d’autres attendent que le corps se réveille, et un vent d’euphorie souffle sur nos petits cœurs mous.
J’oublie, j’oublie tout. La marche nous tient chaud, nos corps se frôlent puis se touchent. Je frémis. J’aperçois trois ouvriers, là-bas, hors de la foule. Ils sont droits comme toi et moi. Mais ils sont dignes. Pas le temps de s’attarder, la masse avance en silence. Nous sommes désormais. Des dizaines, des centaines, des milliers, je n’en sais rien. Je m’entends rire. Je ris de perdre ce corps encore attaché à moi.
Tu comprends quelque chose toi ? Je vois des uns des deux des trois, mais je ne m’y vois plus. Laisse aller laisse aller, le rythme s’insinue. Trop tard trop tard trop tard. Je suis trouble, en fête, en délire. Les cris les rires. Bousculent, rebondissent, moi. Désemparé, se recule, ses bras traînent, entrainent. Flots mots. La folle farandole nous y mène, mais déjà je n’y suis plus. Ivre je crois rire mais je ne ris pas.
L’euphorie ? Elle est triste, triste. Triste et brutale. Je le serre dans mes bras jusqu’à l’étouffer. Lui c’est moi, j’étouffe aussi. La fusion se confuse. Je dois sortir mais je n’y parviens pas.
Je trébuche, la foule m’empoigne. Je sens mes membres éparpillés. Ecrasés par la foule, la farandole s’étiole. Le corps se meurt, mais ne se sépare pas. Je n’en fais plus partie, ou bien si. Je suis une partie, mais une partie perdue. Trop de sentiments me cognent, lâchez-moi.
Toi moi nous sommes devenus fous je crois.
Le Papouchet