L’insoutenable vertu du mur

L’humanité se divise essentiellement en deux catégories. D’une part se trouvent les cons. D’autre part moi et quelques autres. Dieu n’a manifestement pas assuré le SAV. Logiquement, nous en venons au mot d’ordre suivant :

« Bâtissons un ghetto des cons ! »

Nous construirions ainsi quatre beaux murs. De l’extérieur, nous appellerions cela « le carré de la liberté. » L’admission s’y ferait sur la base du volontariat. Il serait ainsi écrit sur le portique, à l’entrée :

« Nul n’entre ici s’il n’est con. »

En proie au doute car négociant assez mal la double négation, le con passerait l’entrée sans trop de scrupule. Il serait appâté par le bruit et la lumière provenant de l’intérieur.

De l’autre côté des murs, nous organiserions la vie des cons. Détaillons la logistique. Leur choisir un chef : être intransigeant et ne pas revenir sur notre avis initial, car les prétendants rivaliseraient d’ingéniosité pour accéder au titre. Aussi par exemple, organiser des Jeux olympiques des cons, et imposer  par là même le squash afin que tous se renvoient joyeusement en plein groin l’inénarrable connerie de leur existence.

De l’autre côté des murs, faire de la sociologie, ou de l’ethnologie, ou de la zoologie, c’est selon. Contempler, grands rêveurs que nous sommes, philanthropes 2.0, l’extraordinaire hétérogénéité et l’incroyable fermentation du ghetto : des cons de banquiers, des cons de vendeurs H&M, des cons d’étudiants (vaste panel), des connes de pompom girls, des cons de membres de l’Académie (panel plus restreint), des petits cons, des cons maigres, des gros cons, des grands cons, des sombres cons, des cons de chauffeurs de taxi et de Uber (y’a pas d’raison…), des cons de ministres, des cons de riches, des cons de pauvres, des cons de gauches, des cons de droite, des cons d’escrocs, des cons de gentils…

Le ghetto se remplit bien. Ils passent en masse sous le portique. Villes et campagnes se dépeuplent. De grands vides démographiques se créent. J’aperçois de vieilles connaissances s’avancer timidement, d’autres cons s’engouffrer sereinement, d’autres y aller d’un pas carrément décidé, et je goûte l’intime satisfaction de les voir progresser main dans la main vers l’extinction. Bientôt, ils seront tous ensemble. Renforcer les fondations des murs. Epaissir tout cela au parpaing. Bétonner. Calfeutrer.

L’imbouffable vérité de leur lourdeur. L’analyser. Désespérer quelques secondes, puis prendre des mesures radicales. Appliquer le « vaste programme ». Saupoudrer délicatement le carré de la liberté – via hydravion surpuissant et kaki – d’une poudre toxique extrêmement fine ; diffuser ainsi des particules entrainant la stérilité de quiconque les respire. Leur faire croire que la poudre en question rend beau et riche, et peut-être même qu’ils la mangeront. Performer de la sorte une belle apocalypse sanitaire. La plus belle œuvre moderne.

Titou

L'insoutenable vertu du mur

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