On a sauté le mur

On a sauté le mur

Nous nous retrouvâmes au pied du mur. Nous étions sept et le défi de taille : s’immiscer dans une soirée huppée gardée par des gros bras recrutés en nombre. Pourquoi, me demanderez-vous ? Le léger piquant du risque, peut-être, le retour en enfance, sans doute, le goût de la provoc’, sûrement.

D’abord, repérer un lieu stratégique, là où le mur est moins haut, là où le grillage flanche. Puis, se montrer solidaire : l’un fait la courte-échelle à l’autre qui fait la courte-échelle au suivant, et au suivant, au suivant, au suivant, jusqu’au dernier, qui se démmerde.

Là, le jeu commençait vraiment. L’adrénaline monta légèrement lorsque nous gravîmes ce premier obstacle. Retombés de l’autre côté du mur, une forme de joie nous prît aux tripes. Une joie absurde mais réelle. Alors, sans raison et sans un regard, nous nous mîmes à courir. Avec une légère trouille au ventre, mais en riant, nous courûmes comme des fous.

L’étape la plus ambitieuse restait à accomplir : s’infiltrer au cœur de la soirée, de nouveau protégée par des grillages et, surtout, par une vingtaine de bonshommes en noir, peu disposés à rire de nos gamineries. Scotchés tous les sept derrière un arbre trop frêle, nous osions à peine respirer.

Nous dûmes alors repérer un nouveau lieu tout aussi stratégique que le premier. C’était tout vu : les poubelles. Idéales pour la réception de l’autre côté du grillage. Depuis la soirée, certains hôtes entrevirent sept têtes effarouchées dépasser des hautes herbes et atteindre la grille. Re-courte-échelle. Bien trop courte, cette fois, tant il nous fût difficile d’atteindre les poubelles sans conserver quelques douloureuses traces grillagées sur l’arrière des cuisses.

Non sans joie, je fus le premier à me lancer, le premier à empaler mes fesses sur le grillage. Là, je mesurai tout la portée du ridicule. Personne ne me voyait, sans doute – mes amis mis à part -, mais je sentais le regard sarcastique de milliers d’yeux sur mon corps encombrant. Quelques secondes plus tard, je me retrouvai de l’autre côté du grillage, planqué derrière les poubelles. Mon cœur battait avec violence. Je craignais qu’il ne prévienne les vigiles.

Que risquais-je ? Peu de chose, si ce n’est la honte. Cette honte du gosse pris la main dans le sac. Cette honte qui monte aux joues du gamin démasqué lorsque, pris en flagrant-délit, son cerveau bat en retraite, laissant place à un regret cruel.

Soudain, un Eh, toi là bas ! résonna. Ce n’était pas pour moi, mais pour le dernier, celui qui n’avait pas eu droit à la courte-échelle. Il ne bougea pas. Stratégie de la statue, du je-n’existe-pas. Classique. Sauf que dans son cas, la statue était accrochée au grillage, les yeux grands ouverts, l’air ahuri. A la deuxième injonction, il opta pour la solution de repli et fuît, sous le regard d’un gros vigile aux yeux rougis de fureur.

Derrière les poubelles nous étions encore six, pétrifiés. Dans nos petites têtes, c’était fini. Impossible de reculer, mais difficile d’y croire encore. La sécurité alertée, la honte ultime était proche. Alors, dans un mouvement désespéré, nous sortîmes de notre cachette et marchâmes, tout sourire, vers un groupe de garçons costume-cravates, avec lesquels nous jurions sans doute par nos T-shirts trop grands jeans troués baskets délavées. Nous attendîmes patiemment qu’une main rude vienne se poser sur nos maigres épaules afin que nous rendîmes les comptes qu’indéniablement nous devions rendre. A notre grand étonnement, il n’en fut rien.

Après quelques minutes, la frousse laissa place à une petite fierté, accentuée lorsque nous saluâmes, sans doute un brin trop satisfaits, nos amis introduits à la régulière. La mémoire courte, nous nous dîmes que cela n’avait pas été si difficile, finalement.

Cette victoire avait un goût délicat de liberté. Une liberté simple. La liberté de sauter les portillons du métro sans même vérifier la présence de contrôleurs tapis dans l’ombre, ou la liberté, adolescent, de faire le mur pour échapper à des lois tyranniques et arbitraires.

Alors oui, la soirée chic était d’une remarquable fadeur ; mais notre soirée à nous fut un discret triomphe. Parce que oui, ce soir-là, on a sauté le mur.

Papouche

Jet lag

Poème Justine

You eat 8 meals a day and here

whatever the hour, you can pretend

you’re just jet lagged

You drink beer in the hall entrance

so what

You take drugs before flying

You’re alone in a passing space

eating your 20grams-5euros-cookie

You’re temporarily imprisonned but it’s for your own safety

People check your luggage every day but they won’t go away they won’t go away

The person cleaning the floor has a 38-country-passport which does not even include where they currently live

People are speaking other langages identified as other langages – no one will learn anything here

A guy shows his black credit card asking if he can go the fast lane

There are no fast lanes here but

long corridors, clean tunnels, steps, doors

You don’t recall where you are right now

Could be Rio could be Paris or Santiago

It is not worth knowing as you won’t cross the exit line

This is not a poem about exile

There is a city out there you may never know

Too close to your aim, I know

Why would you bother taking a train, too slow

Fair enough

You’re just gonna vomit your 9th meal of the day and keep your eyes down on the screen promising extra time, short cuts, 6 to 6.45 casual sex or 1 to 1.45 lunch with a business partner. Same. pm.

Though I don’t do jet lag.

Justin(e), no man’s land

La farandole

farandole

Perdue dans la ville, je marche je marche pour oublier ma solitude. Le bruit de mes pas me rassure déjà, le goudron chaud me rappelle que je ne suis pas seule. Une ombre derrière moi. Nous sommes deux, je sens son odeur suave. Mais cet instant ne dure pas, nous sommes déjà trois. Sur la place, d’autres attendent que le corps se réveille, et un vent d’euphorie souffle sur nos petits cœurs mous.

J’oublie, j’oublie tout. La marche nous tient chaud, nos corps se frôlent puis se touchent. Je frémis. J’aperçois trois ouvriers, là-bas, hors de la foule.  Ils sont droits comme toi et moi. Mais ils sont dignes. Pas le temps de s’attarder, la masse avance en silence. Nous sommes désormais. Des dizaines, des centaines, des milliers, je n’en sais rien. Je m’entends rire. Je ris de perdre ce corps encore attaché à moi.

Tu comprends quelque chose toi ? Je vois des uns des deux des trois, mais je ne m’y vois plus. Laisse aller laisse aller, le rythme s’insinue. Trop tard trop tard trop tard. Je suis trouble, en fête, en délire. Les cris les rires. Bousculent, rebondissent, moi. Désemparé, se recule, ses bras traînent, entrainent. Flots mots. La folle farandole nous y mène, mais déjà je n’y suis plus. Ivre je crois rire mais je ne ris pas.

L’euphorie ? Elle est triste, triste. Triste et brutale. Je le serre dans mes bras jusqu’à l’étouffer. Lui c’est moi, j’étouffe aussi. La fusion se confuse. Je dois sortir mais je n’y parviens pas.

Je trébuche, la foule m’empoigne. Je sens mes membres éparpillés. Ecrasés par la foule, la farandole s’étiole. Le corps se meurt, mais ne se sépare pas. Je n’en fais plus partie, ou bien si. Je suis une partie, mais une partie perdue. Trop de sentiments me cognent, lâchez-moi.

Toi moi nous sommes devenus fous je crois.

Le Papouchet

Pitch au Panache

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Thug love, deux mots qui vont très bien ensemble, très bien ensemble. Mais une question brûle : une personne thug peut-elle être love ? « In love », certes. Montrer ses sentiments, ses doutes, ses flippes, l’histoire est autre. Quelques rappeurs de la nouvelle génération en France déjouent ce côté thug, refusant le gangsta rap, pour cultiver leurs faiblesses : « J’ai eu peur, je l’ai dit, mais j’ai un cœur, je le dis. » (Nekfeu) Mots, rimes, flow contre motos, pimp, flouse.

Que reste-t-il du gangsta – non celui qui a peur et qui le dit, mais celui qui fait peur et qui le dit ? Quelques accessoires, au plus. Pour le gangsta, le vrai, assumer sa crainte ressemble à une castration à petits coups de marteau. Bref, ça picote. Le gangsta terre et tait ses failles, mais failles il y a. D’où le plaisir, lorsqu’un instant, la carapace se casse. A ce sujet, une petite anecdote me revient.

RER B, de bon matin. Pluie, gris et cris accompagnent les clac-clac et le sifflement du train. Arrêt en gare : entrent quatre potes qui papotent en musique. Ambiance gangsta. Le plus grand, capuche juste au-dessus des yeux, jette un regard noir sur la rame. Les quatre gars s’assoient posément devant moi et se toisent en silence.

Station suivante, un homme s’introduit dans la rame, en boitant. Barbu, sale, le regard vide, il récite ses deux alexandrins quotidiens (S’il vous plaît braves gens, écoutez un instant. Un euro, un sourire, un ticket restaurant, je vous gêne sans doute mais soyez indulgent). Peu d’enthousiasme, pas d’applaudissement.

Il passe sans grande conviction parmi les visages mous. A notre hauteur, il ralentit. Là, le plus thug du groupe glisse la main dans sa poche et sort… un Pitch. Il le tend, sans un sourire, au sans-abri.

Un Pitch.

Je me retiens d’éclater de rire. Pour un instant, le mec a rangé sa fierté dans son Pitch. Sans perdre la face pour autant.

Peu de choses, sans doute, mais rien de plus Thug Love à mes yeux, qu’un Pitch donné au péril d’un honneur.

Le Papouchet

Luttons contre le romantisme vulgaire

« Plus l’homme cultive les arts, moins il bande ». C’est Baudelaire qui l’a dit. Alors, bien résolu à ne pas expérimenter le fait de bander moins, je laisse provisoirement tomber Baudelaire au pied de mon lit, bouffe une connerie qui trainait depuis une semaine dans le frigo, me brosse les  dents et pars faire un tour en ville. De bien belles perspectives s’offrent à moi en ce tiède vendredi soir du mois de juin. L’esprit des vacances d’été n’est pas encore tout à fait installé sous les jupes parisiennes, mais un parfum de galipettes et de disponibilité se fait sentir dans toutes les rues.

Le Marais ? Un petit bar du 5ÈME ? Une soirée proposée in extremis par une connaissance du boulot ? Je renifle, pour l’emphase, histoire de rendre grave ce moment et décisif ce choix tout à fait anodin, puis, j’opte pour la première solution. De toute façon, si des mecs commencent à me mater – ce qui m’arrive souvent – Bastille n’est pas loin, et ça bouge bien dans ces rues-là.

Un bar donc. 21h19. Je décide de la jouer solo, petite veste en cuir et barbiche bien taillée, cheveux impeccablement plaqués sur le côté gauche. Un coude sur le comptoir, je jette des coups d’œil factices à mon téléphone, histoire de ne pas paraître trop seul. Je commence à me faire chier en fait. Je deviens un élément du décor, mi-homme, mi-comptoir et re-mi-homme derrière. Quand soudain…

Ça y est, l’inconnue solitaire prend la pose à ma droite. Dommage, c’est mon moins bon profil. Mais je tente tout de même une approche subtile. Il faut être rapide et précis. Cela fait deux longues minutes qu’elle est là et elle n’a toujours rien commandé, je passe donc à l’action : « Vous prenez quoi ? C’est pour moi ». Je me demande ce à quoi j’aurai droit ce soir ; une discussion et basta ? Une discussion et un lit ? Une discussion et un lit et une aventure ? Que dalle ?

Temporisons un peu. Cela fait cinq minutes qu’on parle. Je m’en sors bien, voire très bien. On continue de parler un moment. On sait à peu près tous les deux comment tout cela va se terminer.

Les minutes passent, le courant aussi. Elle s’absente deux minutes, probablement pour aller pisser et se recoiffer ; j’en profite pour payer les deux mojitos. Elle tarde un peu. Je décide de l’attendre dehors, histoire qu’elle me perde de vue une minute, histoire qu’elle s’imagine que me suis barré, histoire de la déstabiliser un peu. Ouf ! je l’ai attendue dehors. On rentre chez elle.

00h27. On a chopé le dernier métro. Puis, un vieil immeuble haussmannien du XVIème. On monte les marches à la hâte. A peine passée la porte, elle me flanque une bonne grosse fessée. Un peu surpris, je fais comme si de rien n’était. On n’a rien vu. Jusque là tout va bien. Je suis bien. Elle jette son sac par terre, ce qui manque d’aplatir le chat, probablement venu à ses pieds dans l’espoir de quelque gratouille. Moi aussi je voudrais bien quelques gratouilles, mais l’ambiance devient franchement louche. Je suis moins bien. Elle tripote son iPod pour mettre un peu de musique. Je me dis que c’est comme si c’était fait. Mais j’entends les rots sonores de Rammstein. Let me see you stripped ! Je commence à remettre à question mes choix de vie.

Deux ou trois longues minutes, je reste seul dans un petit salon et j’en profite pour me dessaper. Elle revient avec deux morceaux de hareng à l’huile dans la main, en laisse tomber un par terre, probablement pour le chat, puis déchire l’autre à pleines dents. Qu’est-ce que j’fous là ? Sans un mot, elle m’indique le hareng tombé par terre.

  • Tu veux quand même pas que…
  • Allez ! Sans les mains ! dit-elle, sérieuse et les yeux écarquillés comme si c’était évident.

Elle ne blague pas. Je suis beaucoup moins bien. Je m’exécute. Étrange protocole, parade nuptiale post-moderniste. Alors que je suis à quatre pattes, essayant en vain de saisir le poisson flasque avec les dents, elle se met à califourchon sur moi et commence à me fouetter avec le premier hareng. Les lumières de la pièce m’éblouissent. Je perds en acuité sensorielle, tout devient flou, j’entre dans une torpeur insoutenable, je m’affaiblis, c’est l’inertie, je ne peux rien. Elle m’empoigne la mèche, jadis impeccablement plaquée sur la gauche, me hurle dessus en allemand. Rammstein rote de plus en plus fort. Je distingue sous une table une paire de menottes dont elle s’empare immédiatement. Je suis fait ! Nu, enduit d’une huile qui pue la mort, menotté dans le dos, ma joue droite écrase contre le parquet un hareng que le chat se met à me disputer. Coup de griffes dans le nez. Elle a donc un complice.

Sale ambiance.

Titou

sm

Quand BonneMère avait cinq ans !

Mes enfants, laissez BonneMère vous raconter une histoire. Aujourd’hui quand les vibrants hommages aux papas Charlie commencent à laisser place aux mémorables vidéos des Chauprade et autres grincheux qui nous expliquent que les musulmans sont tous méchants, j’aimerais remonter le temps. Parce que voilà, avant d’être l’étudiante chroniqueuse sadomasochiste râleuse, aimable comme un grognard, aussi délicate que José Bové (la moustache en moins) qui jure comme un pochtron depuis ses quatorze ans, j’ai été une enfant.

Imaginez-vous qu’un jour j’ai eu cinq ans et j’ai appris à lire. Quelques lettres, puis des mots et des phrases. Et à cinq ans, quand on est normal, ce qui n’est pas tout à fait mon cas mais bon un peu quand même, eh bien, excusez le scatologique mais on chie dans les water. (Si je vous dis ça c’est pas que pour vous emmerder, ah ah la bonne blague!) Et que trouvait-on, dans les années 90, dans les water de la famille BonneMère ? des Charlie Hebdo et des Canard Enchaîné. Cette présence glorieuse faisait rester les quatre membres de cette famille au moins vingt minutes par passage, sur le trône, à se bidonner devant les caricatures de Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, et ceux qui, par bonheur, n’ont pas été assassinés par la bêtise inhumaine.

Parce que voilà, moi j’ai pas appris à lire en lisant Astérix, parce que d’ailleurs Astérix ça me cassait les couilles. Il faut même dire la vérité, petite, je lisais pas beaucoup, mais putain dans les chiottes je taquinais du journal. Je lisais et relisais toutes les BD, caricatures et dessins que proposaient ces deux journaux satiriques irresponsables paraissant le mercredi. On peut dire que Charlie c’est mon Astérix à moi, que Maurice et Patapon étaient mes Tintin et Milou, moi c’était pas Hergé, c’était Cabu. Parce que oui, Cabu, même petite, c’était mon préféré. Déjà parce que je trouvais que Cabu c’était cool comme nom, ça ressemble à calus, qui veut dire fou dans mon dialecte provençal. Donc je trouvais qu’être fou c’était pas mal comme nom. Et puis il a une bonne tête de papi gentil, et j’aimais bien ça.

Le Charlie Hebdo renaît en 1992, comme moi, enfin moi je suis née en 1992, pas renée, ni Renée d’ailleurs, sauf si on croit à la réincarnation, et si on croit qu’on se réincarne en un être inférieur quand on a fait des conneries dans la vie précédente, j’ai dû en faire des vertes et des pas mûres pour finir comme ça, et puis si tu t’appelles Renée c’est bien que toi aussi t’as fait des conneries dans ta vie antérieure. Mais on arrête là la digression car je ne suis pas renée en 1992 et que je ne m’appelle pas Renée. Enfin bon, dire que j’ai grandi avec Charlie Hebdo ce n’est pas faire ma snob, ce n’est pas juste dire « Je Suis Charlie » pour se sentir appartenir à une quelconque mouvance. Et je le dis tout net : je suis ravie que la France dise « je suis Charlie », ne serait-ce déjà que pour imaginer la gueule de la bourgeasse coincée qui a jamais ouvert un Charlie avant aujourd’hui et qui a fait la queue dès 5h du matin pour trouver des dessins de gonzesses à poil. Je suis supposée faire des chroniques culturelles, mais bon ma culture, celle qui a fait l’adulte immature et tordue que je suis c’est Charlie Hebdo, c’est Le Canard Enchaîné. Alors voilà, je me fais plaisir.

Dans la famille BonneMère, le papa lisait Charlie, et quand il les avait fini, il les mettait dans les toilettes. Alors, maman BonneMère, sister BonneMère et moi, nous lisions tous Charlie. Moi au début je le lisais pour les dessins, mais ça me faisait quand même bien marrer. Et puis, plus tard quand papa BonneMère lisait moins Charlie, parce qu’on n’a pas toujours le temps, j’ai décidé de l’acheter, le Charlie et le Canard. Et avant d’être l’agnostique acharnée que je suis aujourd’hui, qui ne cessera jamais de répondre à ceux qui me demandent si je crois en Dieu : « Non, je sais pas. Je m’en fous. S’il y a un dieu, je ne pense pas que ce soit ce que l’homme en dit », j’ai été catholique. Et, croyez-le ou non, j’allais à l’aumônerie. Mais même alors j’étais une mécréante, qui lisait le Charlie et le Canard dans la salle commune de l’aumônerie en attendant l’heure du déjeuner, le mercredi. C’est comme si Dieu, non pas Dieu, c’est comme si l’univers, je préfère le concept de l’univers, m’avait mis devant un choix : l’aumônerie le mercredi ou le Charlie le mercredi. Et si pendant un moment j’ai hésité, j’ai choisi le Charlie. Charlie n’est pas une religion, ça non ! N’énervez pas plus Charb qui, là où il est, doit en avoir marre qu’on prie pour lui ! C’est un journal laïc, c’est un journal satirique, irresponsable, drôle, insolent. Alors le choix ce n’était pas entre deux religions, entre deux symboles ni entre deux institutions, ça ferait passer les dessinateurs pour une sorte de clergé, et je suis pas qu’ils apprécieraient l’idée. Le choix c’était entre mes collègues lecteurs du Charlie et ceux que ça faisait chier que je lise un tel journal.

Et si vous croyez que je raconte une histoire qui est terminée, les copains, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Ceci est une nouvelle histoire, non, un nouveau chapitre d’une histoire qui commence dans les toilettes et continue, eh bien… où vous lirez votre Barbu : sur la version papier, dans les couloirs de la Sorbonne, dans les toilettes de la Sorbonne, dans les amphis de la Sorbonne, ou sur la version internet, chez vous, dans le métro, dans les toilettes. Cette histoire je vous la donne, mais je continue à l’écrire. Parce que s’ils ont tué papi Cabu, Oncle Bernard et d’autres membres de cette belle famille, ils n’ont pas tué l’esprit Charlie. Comme l’a bien dit Matthieu Sommet dans son Hors Série « Super Crayon » : « Si tu coupes la tête d’une hydre, d’autres repousseront ! ». Alors bon, on est peut-être pas une tête, mais une partie du visage, disons… une Barbe ! Je suis Charlie, je suis Barbue, je suis Libre, mais surtout je lis Charlie dans les toilettes.

P.S : pour l’occasion ce n’est pas notre dessinateur qui illustre cet article c’est moi, c’est pour cette raison que c’est moche, je ne sais pas dessiner mais on s’en fout, c’est mon petit hommage !

BonneMère

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