Le cri qu’il fallait pousser dans la nuit

BD Marge

 

À l’heure de la crise du papier, du livre et des arbres, il est vrai qu’il peut sembler absurde de s’acharner encore et toujours à lire de la presse. Encore plus de la presse spécialisée. Encore plus de la presse spécialisée en bande-dessinée. Mais si je suis une absurde acharnée, je suis néanmoins ravie de ne pas être la seule.

En février 2016, quelques irréductibles bouffeurs de papier glacé ont décidé de se lancer dans la grande aventure du mensuel disponible dans tous les kiosques pour défendre le gag et la planche, envers et contre tout. Aujourd’hui, vous pouvez donc demander le dernier numéro de AAARG, « magazine de bande dessinée et culture à la masse ».

Plus qu’une onomatopée un peu humiliante à pousser face à votre marchand de journaux, AAARG est un cri revigorant dans le paysage de la bande-dessinée indépendante. Ici pas vraiment de ligne éditoriale, juste une déclaration d’amour au neuvième art, à chaque page, pour les artistes de tout style tant qu’ils ont l’estomac bien accroché, une case en moins et un peu de talent pour faire passer tout ça. Avec pour seul mot d’ordre la beauté et l’intelligence, il propose une multitude d’artistes, une multitude de styles et d’histoires qui font d’un numéro un voyage sous acide dans la bande dessinée. Et pour parler de bande dessinée, AAARG rappelle que c’est aussi et surtout de l’art, des beaux dessins, tout simplement, avec des dossiers d’illustrations entre deux planches, des couvertures qui à elles seules méritent que tu craques 4,90€ une fois par mois.

AAARG c’est un cri passionné au fond de la nuit, c’est le cri de mecs et de nanas qui savent bien que c’était pas l’idée du siècle de mettre tout son PEL dans la presse papier, mais rien à foutre parce que la bande dessinée c’est important, parce qu’il y a toujours quelqu’un pour faire une planche ou un album alors il faut bien quelqu’un pour en parler, il faut encore des petites portes quand la grande est trop souvent fermée.

Dans le premier numéro, le rédacteur en chef, Pierrick Starsky, l’ouvre, cette porte : « Encore, on va se démener pour faire tomber les mûrs, bâtir des passerelles, faire une tambouille de cultures populaires, avec les meilleurs ingrédients possibles, la crème des auteur.e.s, des journalistes ». Et c’est exactement ce qu’ils arrivent à faire. Plus que de parler de bande dessinée, ils l’associent à la culture populaire, la rédaction arrive à intégrer bien plus facilement la bande dessinée dans le monde actuel, à le raccroche au monde réel là où elle semble quand même trop souvent vivre dans son ermitage. Avec des articles de fond (plus ou moins intéressant et recherchés mais on ne peut pas toujours tout avoir) sur des sujets sérieux comme les grosses blagues du XXIeme siècle (tu connais l’extrem ironing ? C’est encore pire que ce à quoi tu penses quand je le dis) AAARG boucle la boucle parce que oui tu peux être un intello des gribouillages.

Avec son éclectisme et sa curiosité, des planches aux conseils de lecture, la rédaction arrive toujours à surprendre et ça fait du bien d’acheter un magazine qui n’est jamais la même chose d’un mois à l’autre, vraiment pas la même chose. Évidemment tu retrouves tes chouchous (big up à Dav Guedin et Down with the kids), parce que c’est aussi une famille, mais il y a toujours un petit nouveau bien sympa à découvrir. AAARG c’est un cri courageux dans une époque où le papier, la bande dessinée et les dessinateurs ont un avenir de merde. Rien que pour ça, il vaut le détour. Bon par contre, comme ils ont pas une thune, il y a un max de pub et ça c’est un peu chiant. Mais même leurs pubs elles mettent en avant des trucs cools.

On a passé un an et demi ensemble et je suis contente d’avoir enfin réussi à te parler d’actualité, surtout de cette actualité. Si tu pouvais aller voir un numéro, pour changer ta vie et aider la leur, ça serait vraiment chouette. Merci pour tout le temps passé, merci de m’avoir lue, j’espère t’avoir présenté quelques auteurs chouettes. J’ai voulu clôturer la rubrique bande dessinée du Barbu avec un espoir pour l’avenir de la bande dessinée. N’oublie pas d’en lire. Koeur koeur sur toi.

 

            Shamsi.

« I am a monster ! », Freakshow à l’Odéon

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Nous raffolons tous des monstres. Prenez Freaks, le film de 1932, ou plus récemment la très bonne saison 4 de American Horror Story – Freak Show. Ce sont deux histoires de la vie d’un cirque de freaks, d’une foire aux monstres qui exhibent leur difformité devant les bonnes dames de la bourgeoisie, les rassurant ainsi de leur normalité. La société adore faire un spectacle du monstre, que sa monstruosité soit physique ou mentale. Jouer au fou semble être d’ailleurs la seule vraie façon pour les acteurs américains de choper un Oscar ! Mais cela ne date pas du cinéma, la monstruosité physique se met en scène depuis que l’homme raconte des histoires et quand la monstruosité physique s’ajoute à une monstruosité mentale, la société se targue d’avoir trouvé l’origine de tous ses maux.

Richard III, roi d’Angleterre en est un exemple patent. De base, le gonze partait pas gagnant, atteint d’une forme assez grave de scoliose, le petit avait le dos tordu, mais c’est tout. Soupçonné d’avoir tué ses neveux, d’avoir fait tuer son frère, il n’en fallait pas plus pour faire de lui un monstre, pour faire de lui le fléau de la grande Albion. Thomas More décrit sa naissance comme un jour de malheur, tourmenté par des événements cosmiques. Et Shakespeare, – dans une propagande Tudor géniale, montrant que la venue de Henry VII, Henry Tudor donc, dont l’armée a vaincu celle de Richard, mort au combat, a installé une paix pérenne dans le bon royaume d’Angleterre bien fatigué de s’être bien maravé la gueule dans des querelles sympathiques entre roses blanches et rouges (et entre roses blanches puisque Richard aurait pas mal tabassé dans son propre camp) pendant des décennies – reprend les récits de Thomas More et nous dresse un tableau édifiant de Richard III. Le bonhomme est, dans la pièce, bossu, boiteux, avec une jambe plus courte que l’autre et avec un bras « comme un arbuste flétri ». Il est si difforme et si laid que les chiens aboient quand il les croise en claudiquant, c’est pas moi qui dit ça, c’est Shakespeare au début de Richard III. Ce qui est sidérant c’est de voir que la fiction a pris le pas sur la réalité puisque dans l’imaginaire commun Richard III est ce qu’en dit Shakespeare et non ce qu’en dit l’histoire. On se souvient de Richard de la maison d’York comme d’un monstre, un vrai freak.

Rappelons rapidement l’intrigue composée par notre bon vieux William. Après des années de guerre des deux Roses, le chef du camp des York, Edouard IV est roi d’Angleterre. Son deuxième frère Richard a quand même bien envie de devenir lui aussi le roi alors il intrigue. Il fait tomber son frère Georges en disgrâce et le fait tuer alors qu’il se repose gentiment dans les geôles de la Tour de Londres. Après quelques menues intrigues, et oui encore, notre bossu national, Richard, fait passer les fils d’Edouard pour des bâtards et se fait couronner roi. Pour éviter que ses deux neveux lui repennent un trône si durement acquis, il les fait tuer dans leur prison sans autre forme de procès, c’est beau l’esprit de famille ! Une coalition dirigée par Henry de Richmond, héritier des Lancastre, camp opposé aux York lors de la guerre des deux Roses, s’oppose à Richard et le conflit se termine sur le champ de bataille de Botsworth, où le roi trouve la mort. Richmond épouse la fille d’Edouard, mettant fin à la guerre civile et réunifiant les roses rouges et blanches.

Thomas Jolly et la Piccola Famila, dont j’avais déjà parlé dans le deuxième numéro du Barbu, ont continué leur épopée shakespearienne : après 18h d’Henry VI, ils nous servent 4h30 de Richard III. Et ils ont « upgradé » : ils sont passés de l’Odéon, Ateliers Berthier, perdu dans les confins parisiens, dans le XVII° arrondissent, en face du périphérique imaginez-vous le périple, au théâtre historique de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, en plein cœur de Paris. La mise en scène continue dans la lancée de l’esthétique engagée par Henry VI : plus on s’avançait vers des jours de chaos plus les lumières s’y faisaient lugubres, blanches, agressives et plus la musique dite classique abandonnait sa chaleur au profit de sons durs, froids, électroniques. L’avancée est terminée dans Richard III. L’Angleterre que certains croient (naïvement) en paix avec le règne du bon roi Édouard, s’adonne à ses anciens travers. On recommence à se chamailler dans les couloirs de la Cour, et on recommence à tramer de perfides prologues et des intrigues. On baise la joue de son ennemi, enfin la bouche chez Thomas Jolly mais ça change pas grand chose, on le trahira plus tard. On épouse son ennemie, on s’en débarrassera plus tard. Et on tue beaucoup, beaucoup. Ennemis, alliés, frère, neveux, femme, que de viles obstacles entre nous et les Champs Elyséens que nous promet une glorieuse couronne. C’est donc bonne politique. Sommes-nous si différents ? On tue moins, on trahit peut-être plus…

En terme de mise en scène, c’est un coup de force artistique. La lumière tisse et détisse une toile d’araignée visuelle autour des personnages enlisés dans la verve ardente du bossu. La lumière est tout, barreaux de prison, colonnes, toile imaginaire. Le projecteur devient même un animal avec qui jouer. Pour une fois le texte de Shakespeare est respecté en intégralité. Certains passages souvent coupés, comme chez Ostermeier ou Ivo Von Hove, sont ici rendus avec maestria. Et pour une fois, dans un Richard III, les femmes sont là putain ! Alors oui, les femmes dans les pièces historiques politiques c’est pas la folie. À regarder Ostermeier, la mère de Richard on s’en cogne, Elizabeth honnêtement n’a pas marqué les esprits, une des scènes de Marguerite est supprimée. Il reste la scène mythique de séduction de Lady Anne, mais chez Shakespeare, c’est Richard qui y brille. Il est vrai que le personnage de Lady Anne n’est peut-être pas le meilleur étendard de la cause féministe écrit par Shakespeare. En littéralement cinq à dix minutes, elle passe de la femme qui pleurait son roi, père de son défunt époux, et invectivait celui qui leur avait arraché la vie à tout deux, le roi et l’époux, à celle qui va épouser ce même assassin. C’est merveilleux ! Je veux bien admettre qu’avec Thomas Jolly (incarnant le King of Freaks), on a un Richard qui a quelque chose de franchement sexuel, mais bon quand même. Le monsieur a légèrement tué son mari, le père de son mari et a contribué à la mort de son père. Mais sinon elle le pardonne, sereine! Et après elle ose râler de devenir la reine…

Dans cette mise en scène de Thomas Jolly, on a un personnage de Richard qui retrouve de sa superbe. Il est aussi fascinant que ses actions sont monstrueuses. Et sa dite monstruosité physique est si stylisée, par la parure en fourrure et plumes représentant sa bosse, qui croît à mesure qu’il verse dans le meurtre, par la peinture argentée sur son bras, et même par le travail physique de posture de l’acteur, qu’il redevient humain et on a presque envie de le voir sur le trône. Et après Henry VI, où on le voyait souffrir des railleries, on peut presque le comprendre. Dans ce « presque » réside l’ambiguïté de Richard, aussi attirant, parce qu’on va pas déconner il a la sacrément la classe le salaud, que repoussant, et dans cette mise en scène on peut comprendre le geste de Lady Anne. Sinon, pourquoi l’Odéon entier aurait-il scandé ce nom de « Richard », dans la grandiose mise en scène de ce dernier de son refus du trône quand ses intrigues permettent que l’on lui propose ? Dans sa chanson « I’m a dog, I’m a toad, I’m hedgehog », Richard nous crie pourtant « I’m a monster ! », et c’est jouissif ! On en veut plus ! Thomas Jolly joue avec nous et nous montre bien qu’avec un peu de spectacle on est tous prêt à acclamer des tyrans, fussent-ils des monstres !

BonneMère

L’épiphanie selon Saint Manu

C’était la fin des vacances universitaires, l’été indien, le temps des boulevards ensoleillés et des balades en vélo derrière les bus. C’est à ce moment que je l’ai rencontré. Il était grand, il était gros, il était lourd. On me parlait de lui depuis des années. On m’en parlait tellement qu’il me semblait trop adulé pour ne pas être terriblement lisse, conventionnel, fade. Pendant toutes ces années je m’en écartais avec dédain, je le fuyais.  Son aspect, son histoire, tout me semblait esthétisé, ennuyeux, convenu. Mais il y a eu ce 15 septembre 2015, cette ultime citation, ce commentaire de trop, cette personne qui m’a finalement précipité à sa rencontre dans les allées. C’est donc persuadée que j’allais perdre mon temps que j’ai dit : « Excusez-moi, vous avez le tome 1 de Blast s’il vous plait ? ». Une fois arrivée chez moi, le thé infusé et le canapé couvert de mon grand corps je me plongeais dans la lecture de cette BD aux airs de bouquin d’exposition aussi prétentieux qu’insipide.

Pendant deux semaines, j’ai mangé, dormi, je suis sortie, avec Blast. C’était l’extension de ma main droite, l’horizon de mon regard, je ne vivais, respirais qu’à travers les dégradés de noir, les ombres chinoises et les dessins d’enfant. Du coup Manu, cet article sera mon mea culpa. Oui mon mea culpa parce que d’un autre côté je le savais. Je le savais que tu serais génial, que ma haine ne venait que de mon complexe de meuf qui se veut calée en BD et qui ne t’a jamais lu. Non, non Manu tu n’es pas un vendu parce qu’on a adapté Le Combat ordinaire sur grand écran, t’es un bon gars, un grand gars.

J’ai toujours refusé d’être une extension de Wikipédia, je te laisse donc googler « Manu Larcenet » pour voir la qualité du bonhomme. Évidemment il est de la mifa Fluide, évidemment il a été primé, évidemment c’est l’un des rares ouvrages où le consensus autour de la qualité de son travail ne fait pas de lui un artiste démago et trop doué pour être honnête. Je n’ai pas encore lu le tome 3 (je n’ai pas les moyens de lire le tome 3 plutôt parce que c’est le genre de BD que tu as besoin de posséder après les avoir connu, ces BD qui sont pour toi des toiles de maître abordables, et tant pis si ça existe en 15 000 exemplaires) donc oui c’est pas très professionnel comme article mais au moins cet article est certifié sans spoiler.

En gros, c’est l’histoire d’un pauvre type obèse arrêté par la police pour le meurtre d’une gamine. Mais c’est pas le meurtre qui nous intéresse, c’est le voyage qui l’a mené dans ce commissariat, c’est le voyage intérieur, métaphysique et incompréhensible aux deux policiers qui l’écoutent, ce voyage aux airs de révélation mystique d’autant plus intriguant qu’on connaît sa sanglante étape finale : le meurtre de cette pauvre fille. Blast se présente comme un roman à l’envers, un roman qui ne commence véritablement qu’au départ de Polza Mancini, critique gastronomique bedonnant qui quitte femme et boulot pour mener une vie de vagabond alcoolique. Pourquoi faire ? Pour le blast. Le blast c’est l’épiphanie qu’il connaît une énième nuit de soulerie en solo avec son gin, c’est la révélation, l’appel de Dieu, de son Dieu tout personnel. Le blast c’est ce qui porte son périple de la forêt aux maisons de vacances en sommeil, aux réseaux de drogue en campagne française, à milles aventures toujours plus marginales, toujours plus dangereuses.

Plus qu’un roman à l’envers c’est un roman à mille temps non seulement parce qu’il entremêle passé et présent mais parce que le passé lui-même est tressé de mille fils, de l’enfance, de l’adolescence, de l’adulte, du vagabond. Avec les lignes de vie de son personnage, Manu Larcenet trace le chemin pour descendre à l’intérieur de cet homme brisé par le père, par son poids, par la platitude de sa vie. Un homme qui voit une révélation dans les drogues et qui part en quête sans qu’on arrive jamais à dire s’il est totalement abruti ou le nouveau messie. Plus encore, à travers son périple, Polza Mancini devient progressivement l’incarnation de nos propres quêtes, de notre absolu, de notre conscience et c’est d’autant plus fascinant qu’on a pas vraiment envie que notre être soit un camé obèse. Cette allégorie de notre mysticisme transpire dans le dessin, un dessin sombre, profond et mouvant comme une eau dormante qui nous attire et nous angoisse. Il joue sur les dégradés de noir, les courbes, les suggestions créant un nouvel espace-temps, presque astral.

En alternant les plans larges comme peints à l’encre de chine et les macroplans tellement macro qui tu as l’impression que ça bouge, Blast a l’air d’un film d’auteur pas chiant, vivant. C’est sûrement du aussi aux dessins d’enfants mais pour ça je vous laisse la surprise.

Shamsi.

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Paris je t’aime bien

paris je taime bien

Je suis née à Paris, j’ai même toujours vécu à Paris, et après ce qui s’est passé je me suis demandée si j’allais en parler. Parce que bon, la chroniqueuse BD qui se prend encore pour la spécialiste société de Libé, bof. Mais je suis quand même vraiment triste et oui c’est larmoyant mais j’aime beaucoup, beaucoup, beaucoup Paris et j’aimerais bien qu’on en parle un peu, juste un peu, genre ça va durer une page.

J’ai jamais trop compris en quoi Paris pouvait être une fête mais je l’ai toujours trouvée aussi bruyante qu’un nouvel an avec 200 personnes dans 50m2 au moment du décompte. Et si Paris est la plus belle ville du monde avec ses Champs-Elysées et ses croissants dorés sur les comptoirs, elle l’est aussi avec son odeur du métro, son vomi à tous les coins de rue et ses klaxons sur le boulevard Magenta à 18h-19h.

Du coup j’ai pas envie qu’on fasse une grande déclaration à Paris sur fond d’Edith Piaf mais plutôt qu’on en rit, qu’on s’en moque, parce que c’est quand même tout ce qu’elle mérite. Et pour ça, je me suis dit que ça serait bien de parler de Bienvenue à Boboland de Dupuy-Berbérian.

Dupuy-Berbérian c’est l’association de Philippe Dupuy et Charles Berbérian qui révolutionne la BD depuis 1983. Selon Wikipédia, leur dernière collaboration date de 2009 mais je veux croire qu’ils vont nous sortir un truc de folie un jour prochain.

Dupuy-Berbérian c’est mes premiers émois BD, c’est Monsieur Jean et Le Journal d’Henriette lus et relus toute la nuit en douce sous la couette (pitié VA LES LIRE, ça va révolutionner ta vie), c’est le Grand Prix d’Angoulême en 2008, c’est des monstres, des Dieux. Bref, les mecs pèsent dans le game et je crois que je les aime tout particulièrement car ils prouvent à chaque page que la BD est un truc de gens intelligents et est un travail intelligent.

Bienvenue à Boboland, un livre sérieux de Fluide Glacial (dès la maison d’édition tu sais que ça être ouf), est une étude du « comportement humain en milieu urbain ». Cette étude se compose d’une multitude de lignes de vie entre-mêlées les unes aux autres rejoignant les mêmes problématiques et créant ensemble le patchwork que sont les bobos, ce cliché parisien qui tend à valoir pour définition universelle aux yeux du monde. Si on a évidemment des planches solitaires qui témoignent d’un changement de nos sociétés (j’ai beaucoup ri en lisant l’histoire du business man qui rachète le dernier étage d’un squat pour en faire un loft indé), on suit globalement les (més)aventures de plusieurs personnages aussi emblématiques que clichés. Mes deux préférés restent, encore et toujours après trois tomes et 15 relectures, cet artiste qui essaye de révolutionner le monde tout en suivant le mouvement et reste finalement un looser, la trentaine tardive et son t-shirt de « The Who » qu’il a depuis 15 ans sur le dos, et le burn-out total d’un jeune père qui lâche sa vie parfaite de cadre dynamique pour baiser à tout va et suivre le flow.

On retrouve ici le trait de Dupuy-Berbérian, un trait que j’ai toujours trouvé particulièrement spécial. Le facteur « je les lis depuis que j’ai 8 ans » doit beaucoup jouer mais ils ont trouvé le juste milieu entre le gribouillage sur un coin de table et le dessin fin et fragile. Les dessins Dupuy-Berbérian ont l’air d’être faits sans effort d’un trait de plume désinvolte et moqueur et pourtant. Il y a une justesse, une spontanéité et surtout une vie dans leurs dessins qui portent avec douceur et exactitude un humour second degré aussi spirituel que grinçant. Ils dressent un portrait sans concession, parfois exagéré, d’une société risible et on en redemande. Parce que c’est drôle mais pas seulement, parce que c’est beau mais pas seulement. Comme tout le travail de Dupuy-Berbérian, Bienvenue à Boboland a de l’âme.

Cet ouvrage n’est vraiment pas mon préféré de Dupuy-Berbérian et je l’ai plus choisi pour le thème qu’il traite que pour sa capacité à représenter le travail de ces deux dessinateurs/scénaristes de génie. J’aimais l’idée de te parler des terrasses des cafés et des naturalias en s’en moquant doucement, comme on taquine son meilleur ami parce qu’on arrive pas à lui dire combien on l’aime.

Il n’en témoigne pas moins d’un changement intéressant dans leur manière de travailler tant dans le dessin que dans le traitement de l’histoire. Mais pour comprendre ce commentaire énigmatique il va falloir aller lire Monsieur Jean et Henriette.

P.s : Le Fluide glacial du mois de décembre interview Charles Berbérian, ça vaut le coup d’y jeter un œil. (J’aime quand j’ai les mêmes idées que mon magazine préféré).

Shamsi

 

 

 

 

Épatés par la foule

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Le festival d’Automne et l’opéra ont fait cette année la part belle à Romeo Castellucci, avec pas moins de trois pièces et un opéra présentés dans les théâtres parisiens. Déjà on se demande quand est-ce que le gonze arrive à pioncer à un moment. Mettre en scène quatre œuvres en moins de deux mois relèvent du record et rien que pour ça il devrait y avoir foule dans les théâtres pour admirer la prouesse. Mais quand même notre italien beau gosse, parce qu’il est quand même sacrément sexy le con, n’est pas un simple marathonien du théâtre – par contre son spectateur c’est une autre question.

Déjà, depuis « les événements » pour rentrer dans un théâtre il faut être sacrément motivé. Les événements ou comment user d’un bel euphémisme pour dire l’horreur de l’ignorance et de la haine. État d’urgence oblige, pour rentrer dans un théâtre : fouilles de sac et détecteurs de métaux sont de rigueur, un parcours du combattant-spectateur. Imaginez-vous la vie difficile de spectateur parisien, si vous en faites partie vous connaissez le calvaire en d’infinies stations que représente cette dure vie de spectateur de théâtre. Il faut d’abord prendre le métro, et fendre la foule de fainéants qui n’ont pas la décence d’avoir une vie sociale après des heures de labeur et qui marchent au petit pas. Ensuite il faut sortir du métro en réussissant à éviter la connasse qui s’arrête en haut de l’escalier pour chercher un truc dans son sac. Et quand on arrive au théâtre, sur les cinq portes ouvertes habituellement, deux subsistent. S’entassent une masse informe de gens. De nouveaux assaillants entrent en jeu : les distributeurs de la Terrasse. Ils vous haranguent en vous proposant la Terrasse, un journal de 800 grammes de papier, rassemblant des articles sur tous les spectacles sauf ceux qui t’intéressent. Une fois passé ce petit boss de fin de niveau, il faut ouvrir son sac, et offrir à la vue du vigile les éléments les plus intimes de sa vie personnelle de sac à main. Puis ouvrir son manteau dans une position qui n’est pas sans rappeler celle des messieurs bizarres dans les parcs proches du périphériques, qui dissimulent quelque surprise sous un trench coat beige. Ça y est, on est entrés dans le théâtre, bain de foule de piétinants devant les portes closes. Les portes ouvrent, on s’engouffre dans la Grande Halle de la Villette.

Oui, mon introduction sur Romeo Castellucci n’était pas entièrement gratuite. Il sera question de son spectacle Le Metope del Partenone ou Les Métopes du Parthénon pour tous les gens qui ne parlent pas italiens, c’est-à-dire tout le monde, on ne va pas se le cacher. Ce spectacle créé en mai 2015 à Baal met en scène à la suite six scènes d’accidents, dans lesquels six protagonistes ont été victimes d’un accident, chute avec fracture, attaque cardiaque, choc allergique, brûlure à l’acide et sectionnement d’une jambe. Oui c’est joyeux comme sujet. L’accident en lui-même n’est jamais représenté, seule sa conséquence est mise en scène. À la suite de leur réalisation du problème, un camion du SAMU arrive et sortent quatre vrais secouristes, qui tentent de sauver la victime. Chaque victime mourra. À chacun de ces cas, est projeté une petite devinette, très belle, très imagée. Le truc qui te détend trois minutes avant de reprendre en pleine face les cris désespérés d’un homme brûlé criant à un mètre de ton visage « Help me ».

Le dispositif est intéressant car il nie le classique frontal d’un côté la scène et d’un côté la salle. Non, non, non. On est debout, une foule amassée et voyeur autour de la victime. Le vrai spectacle c’est cette foule de spectateurs anonymes. Castellucci dit qu’il veut que ce soit « comme dans la rue », un accident advient et les badauds s’amassent autour, prenant des photos. Ici c’est pareil. Les gens forment des ronds autour des blessés. Certains s’approchent et jouent des coudes pour voir de près la souffrance. D’autres font des syncopes et tournent de l’œil à la première flaque de sang, et hop on voit une rangée de vingt personnes, tout âge confondu, les yeux dans le vague qui refusent de voir l’horreur. D’autres prennent des photos, leur smartphones brandis. Réflexe actuel qui au mieux traduit le besoin de mettre un medium entre l’horreur et toi, au pire traduit une impulsion morbide de garder la preuve qu’on a vu la mort. Castellucci sait toucher, éprouver voire traumatiser son spectateur et il permet là de mettre en lumière les comportements de toi petit spectateur. Il fait en sorte d’identifier les mouvements de foule face à l’horreur et de faire ressortir le vieux pervers voyeur en tous.

BonneMère

Les mains pleines de tractes ou les mains de Cléopâtre

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Chroniques du festival d’Avignon.

Cet été, comme tous les étés, je rentre dans mon sud natal, écouter le chant des cigales, me relaxer au soleil, nager dans la rivière de Colias et boire un Mojito sur les terrasses des places avignonnaises… les deux premiers jours. Après le festival d’Avignon commence, et je cours dans tous les sens, entres les théâtres du IN, du OFF, les théâtres où je vais voir des pièces et les théâtres où je travaille. Et croyez-moi c’est la merde ! Entre les embouteillages de personnes dans les rues, la chaleur assommante de cette année, les climatisations défectueuses, l’anarchie du collage des affiches sur chaque poteau, bite, gouttière, grillage qui existe, le programme du OFF qui pèsera bientôt six kilos s’il continue à y avoir autant de pièces, et les comédiens fatigués qui tractent huit heures par jour, ce n’est pas de tout repos de faire le festival d’Avignon.

Cela fait dix ans que je travaille pour des compagnies dans le festival… Je dois avouer que le travail n’y est pas la chose nécessairement la plus légiférée qui soit ! J’ai commencé à tracter et à coller des affiches, assez jeune et j’en ai vu des conneries. Cette année j’ai monté un degré sur l’échelle sociale, je ne suis plus tracteur. Parce que, oui, quand on parle des centaines de  »tracteurs » à Avignon, on ne parle pas de ceux qui bloquent les autoroutes parce que leurs propriétaires sont sous payés par les grands magasins qui les exploitent alors même qu’ils produisent la ressource la plus essentielle en France : la bouffe ! Non, je parle des jeunes comédiens qui font la pub pour leur spectacle ou les jeunes gens, souvent avignonnais, qui sont payés pour le faire. Parcourir deux cents mètres à Avignon sans récupérer une dizaine de tracts relève du miracle ! D’ailleurs j’ai trouvé une combine pour éviter d’avoir des tracts plein les mains. Cet été j’ai invité le Papouchet et Aleksar et je leur ai refilé tout ce qu’on me donnait, et comme ils dormaient chez moi, eh bien… disons qu’ils avaient pas trop le choix, c’est vraiment mal de faire ça !!

Alors la question est : est-ce que tous ces problèmes portent leur fruit ? Est-ce que la programmation est exceptionnelle ? Est-ce que cette ville ceinte de hautes murailles est un terreau de culture ? Est-ce que ces compagnies qui payent 3000€ le mois pour un 45m², des prix qui feraient jouir un propriétaire parisien, trouvent leur public ? Pas toujours. Et si eux ne trouvent pas leur public, moi je ne trouve pas toujours mon bonheur.

D’abord, oublions les théâtres qui jouent du boulevard et du mauvais stand-up, exit les Paris, Palace et autres usines à rires gras, théâtres avignonnais qui affichent complets à chaque séance avec comme seuls arguments de vente, c’est rigolo et c’est vu à la télé ! Ce n’est pas par pur snobisme que je me refuse à aller dans ces théâtres, bon peut-être un peu, mais participer à l’économie de ceux qui font la ruine des théâtres qui proposent de véritables programmations et qui doivent se faire retourner dans leurs tombes Vilar et Benedetto est impensable. De plus, ces soi-disant théâtres populaires, après tout quoi de plus populaire que l’humour, font payer des prix astronomiques à leur public, sans tarifs préférentiels pour les étudiants, les chômeurs ou les autres compagnies, comme il est de coutume de le faire au festival ! Sans déconner, une place là-bas, pour un jeune, c’est plus cher qu’un spectacle de onze heures dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes !

Si je devais retenir quelques spectacles de ce festival d’Avignon, de ce que j’ai vu, je vous parlerai du IN, parce que j’ai beaucoup parlé de l’univers du OFF. Si la première programmation d’Olivier Py, en 2014 m’avait fait vibrer, celle de 2015 m’a parfois laissé un goût amer et fade. Entre Andreas qui a rendu Strindberg absolument exaspérant et Les Idiots qui a massacré son matériau d’origine, ça ne partait pas gagnant. Les Idiots était une adaptation du film de Lars Von Trier en une pièce inconsistante, et avec un finale purement et simplement démagogique en faisant intervenir des jeunes acteurs trisomiques qui venaient seulement sauver la fin, évitant ainsi à l’équipe de se faire huer. En effet, la pièce était mauvaise, que ce soit l’adaptation vidée de son propos du film Les Idiots, la transposition théâtral du Dogme 95 qui ne faisait pas grand sens, ou les sur-titres, parce que le spectacle était en russe donc il fallait des sur-titres, qui avaient toujours trois bonnes secondes de retard, c’était une catastrophe. Mais la fin était absolument démago. Faire intervenir ces jeunes acteurs handicapés, qui respiraient la joie de vivre, après ces deux heures et demi de souffrance, n’avaient pas de sens ! Et pire, ils instrumentalisaient ces jeunes gens ! En effet, aucun spectateur ne peut décemment siffler un enfant trisomique qui vient danser, heureux, sur scène ! Il y a eu des spectacles ou des films où l’intervention d’acteurs trisomiques a été un franc succès, et a donné lieu à des œuvres fortes et émouvantes, mais cela avait un sens. Après il y a eu des spectacles de relativement bonne qualité, comme Le Vivier des Noms de Novarina ou la lecture de Sade de Isabelle Huppert dans la Cour d’Honneur.

À mon sens, les deux grandes pièces à voir de la programmation du IN 2015, parmi les spectacles que j’ai vu bien sûr, sont Antoine et Cléopâtre mis en scène par Tiago Rodrigues d’après Shakespeare et Richard III de Shakespeare, mis en scène par Thomas Ostermeier. La grande surprise a été Antoine et Cléopâtre, pourtant dieu sait qu’ils ne partaient pas gagnant. Une pièce en portugais, avec deux acteurs, pour du théâtre anti-naturaliste, du théâtre récit, dans une salle où on meurt de chaud et où les sièges sont si serrés qu’on se sent franchement oppressés, le pari était risqué. Mais le souffle des acteurs installe un rythme, par la répétition, quasi obsessionnelle de la parole. La scénographie est lapidaire, tout est posé par les mains des deux comédiens Sofia Dias et Vitor Roriz. Leurs mains nous permettent de visualiser les bateaux de la bataille d’Actium, le lit de mort de Cléopâtre autant que l’amour entre ces personnages. Commotion est le mot. La commotion sentimentale des personnages est accentuée par la co-motion, par un mouvement avec les mains des personnages, le tout pour emporter avec soi le spectateur.

Si quelques mois après la fin du festival, mes mains sont vides de tractes, les mains de Cléopâtre sont pleines de sens.

BonneMère

Les doigts de fée

Aujourd’hui est un grand jour pour moi : non seulement c’est la rentrée du Barbu – et ça c’est youpla boum – mais en plus je vais vous parler de Pinocchio de Winshluss – et ça c’est pire que youpla boum.

Pinocchio, c’est un roman graphique édité aux éditions Requins Marteaux en 2008 (oui je sais, encore un ouvrage récent..) écrit par Vincent Paronnaud, parce que personne ne s’appelle vraiment Winshluss dans la vie. Pour vous situer un peu le gars, c’est le co-réalisateur de Persepolis, en toute simplicité.

Ma première rencontre avec le pantin 2.0 s’est faite dans la maison de vacances d’un ami qui l’a qualifié de « meilleure BD du siècle ». D’un autre côté on était en 2012, c’était pas dur d’être la BD du siècle. A l’époque, j’avais feuilleté la bête sans trop y faire attention parce qu’il y a NCIS à la télé mais les images, les dessins et les couleurs me revenaient régulièrement en mémoire.

C’est en lisant finalement l’intégralité de l’ouvrage que j’ai compris mon obsession. Rien que la couverture donne le ton avec le titre à la Hot Wheels et un fouillis parfaitement orchestré de d’hirondelles, de roses et autres cartes de taro façon tatouage hipster sur fond métallisé. Dès la couverture tu sais que tu t’en sortiras pas indemne.

L’histoire du petit pantin de bois est revisitée façon odyssée dans un monde aussi absurde qu’apocalyptique. Ce n’est plus la marionnette qui veut devenir petit garçon mais une machine indestructible sans âme qui traverse un monde à feu et à sang et se fait embarquer dans des histoires impossibles, un peu comme une méduse qui suit le courant.

Parallèlement, on suit la vie de Jiminy cafard, un cafard écrivain raté qui squatte la caboche métallisée de Pinocchio (on est loin de ce gentil Jiminy criquet). Le fil conducteur est aussi entrecoupé d’histoires ruinant notre enfance à grands coups de tatane en acier dans la gueule. Pour vous donner un ordre d’idée, Blanche-Neige est en fait l’otage des sept nains devenus SM et finit par se faire sauver par une surfeuse avec qui elle se met finalement en couple. Voilà.

Absurde, lofoque et d’un humour carrément dérangeant c’est pourtant moins l’histoire que le visuel qui maintiendra Pinocchio jusqu’en 2099 au rang de « meilleure BD du siècle ».

Winshluss fait parler les images, sans déconner. La BD est muette et pourtant, à chaque fois que je parle de ce bouquin, la première chose que je dis c’est qu’on entend les images. Pour une raison que je ne saurais expliquer, on entend presque physiquement la musique des soldats, le fracas de la mer, les explosions, le bruit tranquille des forêts tropicales. A mesure qu’on lit, le dessin prend toujours un peu plus de réalité, entre progressivement dans notre troisième dimension. Et j’étais même pas bourrée.

Le dessin est d’une puissance et d’une profondeur qu’on peine à décrire avec des mots, évidemment. La qualité du trait de Winshluss est indéniable mais je voudrais aussi saluer le merveilleux travail de mise en couleur de Cizo (assisté de Frédéric Boniaud, Thomas Bernard et Frédéric Felder) car je crois que c’est grâce aux couleurs que Pinocchio flirte avec l’expérience mystique.

J’ai conscience que cet avis est très personnel et mon meilleur pote a lu Pinocchio avachi sur mon canapé sans ressentir beaucoup plus de trucs que quand tu lis une BD un aprem’ de mai sur le canapé d’une pote mais peut-être qu’un petit lecteur parmi vous aura les mêmes sensations que moi et puis ceux qui ne l’auront pas passeront quand même un merveilleux moment, ça c’est garanti.

Au fait, je l’annonce un peu en retard mais Coyote est mort à la mi-septembre. Je ne lui consacre pas mon article car je n’ai jamais accroché à son univers de motards en Harley mais il n’empêche que c’était un dessinateur de talent salué par ses pairs. Donc si vous avez rien à faire ce weekend ou que vous avez trop la gueule de bois, essayez de lire Lieutenant Kévin même si les moustachus tatoués c’est pas votre truc. Et puis on sait jamais, ça peut devenir votre truc, c’est celui de beaucoup de gens.

Shamsi

winshluss

Pourquoi le cinéma mainstream a un problème avec les papas ?

oedipe

Derrière ce titre, peut-être que vous vous dites « qu’est ce que putain de quoi ? » à la Fossoyeur de films. De quoi qu’elle cause la BonneMère, elle fait pas de critiques de cinéma ou de théâtre ? Rubrique culturation en carton ! Alors ce mois-ci mes jolis barbus, nous allons parler cinéma mainstream, mais nous n’allons pas parler d’un film. Déjà ce mois-ci je n’ai rien vu qui m’a transcendé la gueule ni en théâtre ni en films, mais en même temps rien d’assez nul pour que je fasse mon troll haineux. Du coup j’ai décidé de vous parler d’une question qui me titille depuis un moment : le problème qu’a tout le cinéma mainstream avec la figure du père.

Ma grande question de base, c’est : pourquoi tout le cinéma depuis 30 ans semble se trimbaler un Œdipe non résolu et une volonté de faire tuer papa ? Et pourquoi les héros ont-ils besoin d’être sans père pour devenir des mecs badass ? Ma pomme de Newton pour commencer cet article ça a été Avengers : age of Ultron. Parce que Ultron, qu’est ce que c’est à part un film sur un Œdipe non résolu et sur une tentative de tuer papa afin de prendre sa place ? Même si je vous l’accorde, il essaie pas de se faire Pepper (ou Bruce Banner qu’on pourrait considérer comme la maman de l’intelligence artificielle, ah ! Me viennent en tête plein de fan fictions délicieuses entre l’amour viril d’Hulk et d’Iron Man, mais je m’égare!). Ultron ressemble très étrangement à son géniteur Tony Stark, lorsqu’il s’énerve et semble perdre toute forme de sang froid quand celui-ci lui parle. Même dans la symbolique du film, il semble vouloir se détacher de l’autorité parentale. Et quand il prend une forme humanoïde, quand il naît totalement au monde et n’est plus cet espèce de fœtus fini à la pisse qui sort en boitant pendant la petite sauterie de super-héros au début du film, il se lève et arrache le gros câble qui était dans sa tête. Outre la référence à Matrix, qui nous montre un personnage tirer de derrière la tête ce câble qui l’attachait à une vie informatique, Ultron tente de couper le cordon, mais avec le padre. Ultron est un archétype de petit garçon qui fait sa crise d’adolescent anti-papa, sauf que la sienne implique la destruction du monde et l’avilissement de la race humaine.

Depuis plusieurs décennies, le cinéma mainstream nous abreuve de films qui ont pour dynamique initiale voir pour tension principale le rapport avec le père soit dans l’idée qu’il faut inexorablement le tuer pour devenir un bonhomme ou que les papas morts ont ceci de cool qu’ils font des héros, putain en fait je suis superman !!! Bon on parle de Star Wars, de Harry Potter, de Indiana Jones (La dernière Croisade), de tous les films de super-héros, Superman, Spiderman, Batman, Green Lantern (si on peut vraiment appeler ça un film), X-men, (parce que oui rappelons quand même que ce con de Brett Ratner a tué Professeur X dans X-men l’affrontement final et qu’en gros il a tué la figure de père de tous les X-men qui sont tous rejetés par leurs parents ou par la société), Hulk (pas les cool avec Norton mais la daube avec Eric Bana), on parle du Roi Lion (bon là joker parce que c’est l’histoire d’Hamlet mais en même temps pourquoi remettre une telle histoire au goût du jour, ça prouve bien que ça coïncide avec une mouvance)… ? Bon je vais pas non plus voir faire un catalogue de tout le cinéma mainstream depuis trente ans vous avez compris l’idée !

Freud aurait quand même beaucoup à dire sur cette obsession du cinéma ! Si, les enjeux que le complexe d’Oedipe soulève relèvent d’un inconscient collectif, et de ce fait, sont une tension humaine donc une tension d’intrigue judicieuse, son usage à outrance est usant. Outre le fait que ça dénote chez les scénaristes et réalisateurs, peut-être, une volonté cathartique de réaliser leur propre Œdipe par substitution, cela rend les scénari toujours plus redondants. Ainsi la mort d’une figure paternelle est au-delà du topos dans les films de super-héros, que j’adore pourtant, c’est un cliché éculé qui commence légèrement à fatiguer.

Tout cela est d’autant plus déstabilisant quand on constate que la figure de la mère est totalement annexe. Dans Star Wars, Luke a un gros problème avec son père, mais la figure de la mère est à peine esquissée, et il semble plus piqué par le fait qu’il croit que Darth Vader (ou Dark Vador pour vous mes petits français d’amour) a tué son père que par le fait qu’il est aussi responsable de la mort de sa mère. Et même dans la deuxième trilogie, où Anakin Skywalker n’a pas de père, parce que sa putain de mère l’a porté toute seule, quand même, enfantée par les midichloriens, youhou l’Esprit Saint est de retour dans une galaxie très très lointaine, elle doit avoir peut-être dix minutes de temps à l’écran dans les deux premiers films. Et, vivante ou morte, elle a clairement moins d’impact sur Anakin que Qui-Gon et Obi-Wan. Dans le dernier Spider-Man, The Amazing Spider-man 2, Peter Parker utilise les indices laissés par Richard Parker, et toute l’histoire parallèle à l’intrigue avec Electro et le Bouffon Vert autour de la disparition des parents du super-héros repose sur ce qu’a fait Papa Spider-Man, et la maman, niet. Encore une fois, exit la mater, c’est le pater familias qui importe.

Pourquoi ? Pourquoi reprendre à toute une tradition de la tragédie familiale antique, le seul lien avec le père? Ce qui m’inquiète, c’est que soit toute la culture occidentale se trimbale un putain d’Œdipe à résoudre, et franchement ça fait peur, soit on considère encore que les personnages féminins sont secondaires (regardez le cinéma mainstream, citez-moi un film de super-héros avec un personnage féminin principal… heureusement que DC sort Supergirl en série, mais c’est pas du cinéma) et que les mères ont une influence moindre sur l’avenir du petit par rapport au père. Dans les deux cas, ça montre bien que la société est bien toujours patriarcale et que la femme est en général soit la mère aimante, mais du coup qui n’a pas beaucoup d’importance parce qu’elle n’est pas un ressort majeur de l’histoire, soit la femme sexy, qui adjuvante ou opposante a une influence toute minime sur l’histoire. Je propose donc qu’on aille tous frapper à la porte du Skywalker Ranch, faire un coucou à Georges Lucas et lui demander pourquoi il a envie de tuer son papa, vous venez ?

BonneMère

Henry VI, à faire pâlir Game of Thrones

Si vous vous intéressez un peu au théâtre ou si vous avez laissé vos yeux s’égarer sur France télévisions au mois de juillet (ou sur Canal + au mois de novembre) vous avez peut-être entendu ce nom : Thomas Jolly. C’est la nouvelle coqueluche du théâtre français car ce joli monsieur (blague de merde et j’assume) a mis en scène Henry VI de Shakespeare, une pièce réputée immontable ; et pour cause, l’ensemble dure, entractes compris, dix-huit putain d’heures. Mais ne vous y trompez pas, c’est peut-être long mais ça passe sans lubrifiant. Voilà une compagnie, la Piccola Familia, qui sait garder en haleine son spectateur, entre une Jeanne d’Arc aux cheveux bleus, un roi René en slip, des sorcières, des meurtres, un Richard III sexy, des meurtres, des batailles, des révoltes, des têtes coupées, des meurtres, des complots, des monologues-morceaux de bravoure, servis par des comédiens talentueux, une création lumière délirante et une bonne grosse musique bien bad ass, cette pièce fait pâlir toutes les grosses productions.

Si je la compare à Game of Thrones ce n’est pas un hasard, parce que Thomas Jolly l’a fait au détour d’une interview, la dépêche AFP l’a comparé à une série TV pour son côté épique et depuis, c’est parti ! Tous les journalistes, manquant cruellement d’inspiration et de sens de l’analyse assertent qu’il a conçu sa pièce comme une grande série TV, avec des épisodes. Forcément il est jeune, vous comprenez il a été nourri de toute cette culture. Alors oui, il est jeune, oui il regarde des séries télé, mais s’il vous plaît petits journalistes en herbe comprenez que c’est Shakespeare qui a inspiré les séries TV et pas l’inverse, comprenez que la Guerre des deux Roses est ce qui a inspiré Game of Thrones et ce n’est pas que le « jeune et Jolly » metteur en scène qui s’en est nourri. Le conflit entre les Lancaster et les York a eu lieu plus de cinq cents ans avant que celui entre Lannister et Stark ne soit écrit par notre serial killer préféré, Georges R. R. Martin.

Bon, après il manque deux choses par rapport à Game of Thrones, du cul et de l’inceste ! Et si la Reine Marguerite a des airs de Cersei, se battant pour son trône, connasse géniale qu’on essaie de détester mais qui nous fait de la peine quand elle perd son fils, elle a pas de frère à niquer. Mais Henry VI se passe de boobs ! Pourquoi ? Le talent, mes bons amis !

Henry VI ce n’est pas le délire mégalo d’un metteur en scène, c’est une aventure folle qui a mobilisé près de cinquante personnes pour la création, entre les acteurs, la technique, l’administration, c’est délirant ! La Piccola Familia c’est un microcosme lié par le talent et par l’amour, où chacun excelle dans son domaine. Je pense que vous avez compris que j’ai aimé cette pièce ! Aimer est un doux euphémisme, j’ai surkiffé sa race cette putain de pièce de l’enfer ! Déjà c’est le jeune Shakespeare, qui s’essaie à son art qui écrit cette épopée folle. C’est un jeune dramaturge qui ne connaît pas la mesure et qui crée un monstre sans calibrage. On y trouve en germes tout son théâtre : sa Eléonore a des airs de Lady Macbeth ; Suffolk banni, pleurant ses adieux à sa Marguerite ressemble à Roméo partant pour Mantoue, l’incapacité de décider d’Henry VI trouve des réminiscences chez Hamlet… Aller voir Henry VI c’est déjà découvrir une pièce peu connue du grand Will. Mais c’est la découvrir dans une mise en scène qui avec des moyens modernes, comme les lumières, la musique électro, ou les machines à fumée, rend l’esprit shakespearien avec force brio.

C’est revigorant, aussi, d’aller voir Henry VI. Un personnage de Rhapsode vous accompagne dans cette aventure, vous n’êtes jamais perdu. Vous êtes acteurs de cette pièce, la scène déborde dans la salle, et s’impose au public, par les entrées qui se fond dans la salle, par le ponton, excroissance de la scène s’avançant parfois jusqu’à cinq rangs dans la salle, par les lumières qui n’éclairent pas toujours que la scène mais éblouissent le spectateur ! C’est revigorant aussi de revoir du théâtre qui sait être populaire mais jamais populiste ! Et si cette pièce dure 18h elle est accessible à tout le monde, sans jamais s’abaisser à la facilité. Vilar exulterait de voir une telle pièce, et ce n’est pas un hasard si elle a été jouée pour la première fois en Avignon, dans une salle de la décentralisation avignonnaise, la FabricA. Henry VI se joue en mai aux Ateliers Berthier, la billetterie ouvre le 25 mars, je n’ai que cinq mots à ajouter : Allez-y, bordel de merde !

BonneMère

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Whiplash, ça claque !

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Alors, la première ça sera du cinéma ! On introduit dans Le Barbu la chronique dite « culturelle ». Eh oui, c’est un journal avec des connards d’étudiants, pour beaucoup de gauche ; alors faut bien une connasse qui bave de la culture, qui va au cinéma trois fois par semaine et au théâtre voir des pièces de huit heures en allemand (et non ce n’est pas une blague je fais vraiment ce genre de choses). Sadomasochisme ? Oui, peut-être et c’est d’ailleurs ce goût certain pour la souffrance qui m’amène au film de la semaine.

Avec Docteur Céphalopodus, que vous ne connaissez pas encore parce que c’est un flemmard et qu’il n’écrira qu’au prochain numéro, nous sommes allés voir Whiplash. Avec un titre pareil, vous imaginez, j’étais toute excitée. Un film qui veut dire coup de fouet, j’arrive ! Parce que moi, j’aime quand ça claque ! Je suis partie en quête d’une représentation un peu plus poignante de la communauté BDSM qui n’a connu de diffusion mainstream qu’avec le déplorable Fifty Shades of Grey dont l’adaptation cinématographique, qui envahira bientôt toutes les salles qui veulent se faire de l’argent, va permettre à de jeunes couples de voir ensemble un film pseudo-sadomasochiste érotico-romantique sur grand écran.

Eh bien, si je m’étais trompée sur le titre du film qui est, en réalité, une référence au titre de jazz Whiplash de Hank Levy, en ce qui concerne la domination, la souffrance et les relations perverses, je tiens à vous dire que j’ai été servie ! Dans ce très bon film, disons-le immédiatement, nous suivons Andrew Neiman, un jeune élève batteur de jazz (en première année) au prestigieux Shaffer Conservatory, repéré par le professeur et chef d’orchestre Terence Fletcher. Ce dernier tente de le pousser à travailler par des méthodes tout à fait pédagogiques consistant en une humiliation constante, une manipulation psychologique, oscillant entre une fausse gentillesse et quelques insultes hurlées au visage du jeune élève après lui avoir envoyé une cymbale à la tête. Vous comprendrez donc que cette relation fort chaleureuse m’a intéressée. J.K. Simmons qui incarne Fletcher, ce professeur philanthrope à la recherche du prochain Buddy Rich, est absolument effrayant. Quand le spectateur croit voir poindre une lueur d’humanité dans les yeux de ce tortionnaire jazzman il revient insulter tous nos Charlie Parker en herbe à coup de « cock suckers » et autre noms d’oiseaux.

Cette histoire repose entièrement sur ces deux personnages. Les autres personnages, les autres relations ne viennent que nourrir la construction de cette relation entre Neiman et Fletcher, ainsi exit assez vite la copine que le bleu vient de se faire, fort de la confiance que lui avait donné son recrutement par Fletcher. Il le dit : il veut être « one of the greats » (parce que oui, je le cite en anglais. Vous ne croyez quand même pas que je vais voir des films en VF ? Et puis quoi encore, manger du pop corn devant un block buster ? Je n’ai pas assez d’humour pour ça). Fletcher serait alors le dominateur, figure paternelle de mentor qui initie aux plaisirs de la baguette le jeune Andrew. Andrew, tourneur de page de première année dans un orchestre de jazz, est choisi pour être d’abord, tourneur de page de première année dans un meilleur orchestre de jazz. Ascension sociale fulgurante ! Mais une fois passée l’idylle du premier jour, une fois terminée l’euphorie de la sélection, commence le travail. Il faut le former cet enfant, l’assigner à une discipline (le D de BDSM rappelons-le) : la discipline du tempo battu nonchalamment par Fletcher. Et ce dernier entend le mener à la baguette ! (oui ce n’était peut-être pas la meilleure, mais franchement pour un batteur j’étais obligée de la faire) Pour se soumettre à cette discipline, Neiman travaille sans cesse, les mains en sang il continue ; il faut être parfait pour le maître. Mais lorsque ce dernier le pousse trop à bout, (no safety words) il lui saute dessus. Tentative de parricide, tuer la figure du père pour prendre sa place et être enfin le meilleur, ou pulsion ; Eros et Thanatos semblent posséder le jeune homme qui hurle alors, car, pour satisfaire son aîné il avait saigné sur la caisse claire immaculée à son premier concert en tant que titulaire dans l’orchestre. Dépucelage raté pour Neiman qui s’était pourtant bien entraîné.

Après je vous préviens, je continue sur un bon gros SPOILER, donc si vous voulez rester vierge de toute information sur le dénouement, aller dans le premier bon cinéma devant lequel vous passez et allez voir la fin !!! Sinon, lisez, ainsi vous découvrirez, peut-être, où est ce que je veux en venir. Pas sûr.

Et voilà la bonne grosse dépression qui vient frapper à la porte! Exclu de son école, il arrête tout. Plus tard, une avocate défendant la famille d’un ancien élève de Fletcher qui s’est suicidé, le contacte. Grâce à son témoignage anonyme, Fletcher est renvoyé. Et puis, le hasard fait bien les choses, ils se retrouvent dans un bar de jazz. Et autour d’un verre, discutant du passé, Fletcher avoue ses erreurs et ses aspirations détruites et tente une réconciliation avec son ancien élève en l’invitant à jouer pour un prestigieux concert où tout le gratin du monde du jazz sera là. À ce moment-là du film, on se demande ce qui est arrivé. Le Happy ending forcené des Américains aurait-il triomphé de Damien Chazelle, le réalisateur ? On s’insurge. Quelle est cette fin en carton digne de tous les navets romantiques consensuels dont nous abreuve le cinéma anglo-saxon ? Quelle erreur ! Retournement, Fletcher qui a redonné espoir au jeune batteur le détruit devant tous ceux qui auraient pu lui donner sa chance : il a omis de lui donner la partition du premier morceau. En plein concert, il s’avance vers la batterie, et jubile. La vengeance est douce, car si lui est renvoyé à cause de Neiman il reste un grand jazzman, après ce désastre Andrew n’est plus rien. Alors évidemment, humilié le jeune homme fuit, et se console dans l’étreinte réconfortante de papa.

Fletcher pense avoir eu raison de l’enfant. Mais comme un homme, demi-tour droite, et au pas de course, il prend ses couilles et remonte sur scène. Il entame un solo de batterie extraordinaire, où on le voit souffrir. Son visage se fend dans des grimaces qui oscillent entre un orgasme assez puissant et la concentration extrême de la colique néphrétique. Fletcher vaincu ne peut rien faire, il le menace de lui arracher les yeux mais reste qu’il est sur scène, donc soumis au regard du spectateur. Neiman a gagné. Et alors qu’on a tous fini de croire que Fletcher est bien le pire des enculés, il fait jouer tout l’orchestre avec lui, et le film se finit sur le sourire et le regard presque complice du chef d’orchestre à son batteur. Le film ne laissera pas la place aux applaudissements qu’on sent arriver dans la salle, le spectateur les attend, il veut voir Andrew triompher par l’approbation générale qu’on sait évidente. Mais non, Chazelle termine sur l’échange de regard entre les deux personnages. Jusqu’au bout Chazelle centre son film sur cette relation ambiguë et intense entre les deux personnages. Et l’ambiguïté demeure, parce que même si Andrew a gagné, car il a prouvé qu’il était un des grands, sa victoire se fait par l’approbation de Fletcher. S’il a réussi à s’élever dans le regard de Fletcher et à exister comme un très bon musicien, Neiman réussit son accomplissement grâce à Fletcher. Alors qui a gagné, Fletcher qui prouve que sa méthode marche ou Andrew qui prouve qu’il a sa place parmi les grands ?

BonneMère